Les séries animalières de MARIJAC

Parmi la quantité de publications qu'il produisit, Marijac a gardé une place particulière pour les histoires mettant en scène des animaux.
Essayons d'y voir plus clair...

Commençons donc par les séries parues dans LES BELLES IMAGES DE PIERROT, journal publié par les éditions de Montsouris au début des années 50. Ce bi-mensuel fait suite à l'hebdomadaire PIERROT puis PIERROT-JEAN BART, réapparu depuis 1947. Fin 1951, Marijac décide d'orienter ce titre vers les plus jeunes, réservant COQ HARDI aux adolescents.

Concernant les bandes animalières, le précédent PIERROT fait pâle figure. Rien à se mettre sous la dent, si ce n'est "Les tribulations du chien Petto", une quinzaine de gags réalisés par Bozz, parus en 1949. Derrière ce pseudonyme se cache un certain Robert Velter, mieux connu sous le diminutif Rob-Vel, le créateur de Spirou. Bozz a déjà travaillé pour PIERROT pendant la guerre, livrant entre autres une bande dont le héros est un chien, "Ce pauvre Plouk".
Présenté dans son aspect naturel, Plouk est un canidé qui parle et se tient souvent sur ses pattes arrières, et utilise fréquemment ses mains. Aventureux, il s'embarque dans diverses aventures, ou joue le détective, avec plus ou moins de bonheur.


Deux bandes animalières occupent une place de choix dans LES BELLES IMAGES DE PIERROT. Il s'agit d'un couple de souris et d'un lapin malin. Voici la principale :

CRICRI Souris d'appartement

Série  parue du 1er numéro de janvier 1952 au dernier (n° 70 en février 1955), dessinée par Calvo sur scénario de Marijac, soit 134 planches. Cricri fait l'objet de nombreuses couvertures du journal. Cette bande fait suite à celle parue dans BABY JOURNAL (puis CRICRI JOURNAL) de 1948 à 1950.

Aie aie aie! Ça va mal pour Cricri embarqué par la maréchaussée...

Cricri et sa compagne Moumousse squattent un appartement en ville, où vivent Anny et ses parents. La petite fille les a pris sous sa protection, et le couple de souris vit en harmonie avec deux autres animaux de la maison, qui pourraient être leurs prédateurs. Un chien nommé Zoum et surtout le chat Matou. Mais un autre chat, Mistigri, est moins enclin à la fraternité.

extrait des Belles Images de Pierrot n°6
Dans les épisodes suivants, notre couple de souriceaux partent à la campagne chez le cousin Mulot qui se marie. Mais encore une fois les évènements ne vont pas leur être favorables, et les petites souris devront faire preuve de beaucoup d'humanité pour se dépêtrer des diverses mésaventures. Après un séjour à l’hôtel, Cricri et Moumousse logent chez Mme Boname où un Coquin de chien leur fera quelques misères. De retour chez Mulot, les embrouilles ne cessent entre les deux cousins. La cousine y mettra un terme, et on se quittera bons amis. Finalement ils seront bien heureux de retrouver leur confortable nid dans l'appartement. La série prend fin, annonçant la venue de Coquin le chien du braconnier.

Les Belles Images de Pierrot n°69

Dans cet univers propre à Calvo, le monde animal côtoie celui des hommes, qui interviennent parfois dans l'histoire à l'instar de la petite Anny ou Mme Boname. Mais l'essentiel des aventures se déroulent entre ces petits animaux anthropomorphes, qui sont vêtus et habitent des logements adaptés à leurs conditions. Exception faite des chats et chiens de début d'aventure, c'est à dire les animaux domestiques de la maison.
Si, comme c'est pratiquement toujours le cas dans les bandes animalières de Calvo, les personnages humains apparaissent ternes, les animaux eux présentent des comportements propres aux hommes et aux femmes de l'époque. Le dessin de Calvo illustre à merveille l'expressivité des protagonistes de l'histoire.

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ONCLE LAPINOS

L'autre grande série animalière anthropomorphique du journal sont les (més) aventures de l'Oncle Lapinos. Elle apparait sous forme de gags en une planche ou en petites histoires à suivre, depuis le premier jusqu'au dernier numéro, de 1952 à 1955.

Lapinos tend un piège
 Comme son nom l'indique le héros est un lapin, qui vit dans une maison à la campagne proche de la forêt, avec son épouse Tante Jeanne, et leurs deux neveux Sammy et Bobby, chenapans enclins à toutes les bêtises. Lapinos est plutôt courageux, on le voit souvent en train de travailler, et très malin quand il s'agit de se tirer d'un mauvais pas.

Le tonton s'en tire par une pirouette...

D'autres animaux interviennent dans cette bande, tous vêtus mais non chaussés. On est dans la campagne américaine, et les personnages sont des animaux présents naturellement dans cet environnement. Lapinos et son neveu Sammy sont donc des lapins, Tante Jeanne et le neveu Bobby sont de l'espèce écureuil (à en juger par la queue),  les voisins sont divers rongeurs (pas toujours faciles à distinguer), lemmings ou castors, d'autres sont des boucs, tortues, enfin bref des animaux paisibles, représentant la population rurale américaine de la première moitié du XXème siècle.

Des p'tits jeunes bien serviables !

Ainsi Lapinos et les siens vivraient en paix si ce n'étaient de méchants gredins qui ne rêvent que d'une chose,  croquer les longues oreilles du lapin ! Bien sûr ces affamés sont un loup, un renard, un lynx, un vautour (ou une corneille), un alligator ou plus surprenant  un rhinocéros (seul animal qui n'est pas à sa place en Amérique, de plus il n'est pas carnivore). Outre ce détail, la chaine alimentaire naturelle est respectée ! Ce schéma est un classique, le rusé lapin échappe aux manigances grossières de ses prédateurs. Cela me fait souvenir le "Jojo Lapin" d'Enid Blyton de mon enfance et les illustrations de Jeanne Hives. On se rapproche aussi du Grand-Loup des studios Disney. On ne peut ignorer non plus que Wiggily ait servi de modèle pour le fameux Bugs Bunny.

Le coup du chapeau !

Cette série américaine, "Uncle Wiggily" en VO, fut créée par Howard R. Garis en 1910 pour le NEWARK NEWS. En moins de 30 années il publiera 79 livres de son héros, illustrés notamment par Lansing Campbell. Il l'adapte en BD pour le Bell Syndicate, qui  la publie dans l'immédiat après-guerre. Frank Kirn assura les planches hebdomadaires tandis que Larry Campbell dessinait les quotidiennes. Uncle Wiggily connut également une version comic book, chez Dell Comics, éditeur des personnages de Disney ou Walter Lantz, soit avec son propre titre, soit dans les fameux 'Four Color'. Mais ces histoires, dessinées principalement par Bill Weaver, s'éloignent du concept de Howard Garis.


1923
Dell - 1951

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Plus épisodiquement Marijac publie d'autres bandes animalières dans ce bimensuel. On y retrouve le chat Miaou, le chien Foufou, et un autre léporidé Harold. Les deux premiers, déjà présents dans COQ HARDI,  paraissent en gags en une planche, et sont dus au dessinateur anglais Harry Hargreaves sur des scénarios de Hugh McNeill. Ce sont les reprises de "Ollie the alley cat" (Ollie le chat de gouttière, créé en 1951 pour THE SUN) et de "Scamp" (créé en 1950 dans COMET). Le premier sévit dans les pages de PIERROT en 1954, le second apparaît régulièrement de 1952 à 1955.

Faut pas en faire un fromage (de chèvre)

Dans les gags parus ici, tous muets, Miaou est aux prises avec une souris, sans chercher à la croquer, il ne cesse de la provoquer. Mais la situation se retourne constamment contre le chat... On n'est pas loin de Tom & Jerry.

Foufou échappe au bain

Quand aux gags du brave Foufou (scamp se traduit par coquin ou garnement), le dindon de la farce est le plus souvent le père de la famille, qui ferait mieux de laisser son chien en paix. Foufou, une sorte de Bill anglais, sans Boule. Au début Foufou partage la vedette avec Minou.

Où l'on apprend qu'un levraut né en mars est fou

A noter que McNeill et Hargreaves, qui a surtout œuvré sur des bandes animalières, dont le fameux "Panda" de Martin Toonder, ont aussi créé un "Harold Hare". On retrouve 4 planches de "Harold le lièvre" dans PIERROT n° 65 et 66 en 1954. Dans cette histoire non signée, le virevoltant jeune lièvre fait tourner en bourrique les autres animaux, dont le rusé Renard et le fermier Badger.


En 1952 paraît une adaptation du célèbre roman de Kenneth Grahame "The wind in the willows" réalisée par le dessinateur anglais Hugh McNeill. "Le vent dans les saules" est publié à partir du n° 6 en 1952. L'original est paru en 1950 dans THE SUN.
Signalons aussi deux courtes bandes de Ed Dodd, le créateur du patrouilleur et défenseur de la nature Mark Trail (présent dans COQ HARDI de 1948 à 1952). "Andy chien de cirque" (5 pl.) et "Maman grizzli" (7 pl.) paraissent en 1952.
La version originale du Vent dans les saules



Pour en terminer avec LES BELLES IMAGES DE PIERROT, citons tout de même des animaux qui, sans être les héros, jouent un rôle prépondérant dans les séries publiées. En premier lieu le pingouin Alfred, qui accompagne les deux  jeunes globe-trotters Zig et Puce dans leurs aventures. Il les sauvera notamment de sauvages qui leur en voulaient, car Alfred ressemble à une divinité de la peuplade.

Alfred, une divinité avant d'être un grand prix

 On doit souligner aussi l'importance de la faune dans la série "L'enfant de la brousse", où le jeune Robin, qui vit seul dans les immensités du grand nord américain, ne survivrait guère sans l'aide des animaux, notamment le chimpanzé Cheeki.

Moi Robin, toi  Cheeki !

En VO "Robin alone", cette bande provient du MICKEY MOUSE WEEKLY anglais où elle parût en 1953/57, dessinée par Tony Weare ou Bill Lacey.
                                                                                                            
La pie qui sauve
         
N'oublions pas la pie qui aide le Chevalier Printemps à délivrer le page Fifi du donjon du méchant Prince Noir.
Ni les divers animaux dont Claude Marin ou RoMoreau parsèment leurs pages de jeux.

                                                                                                                         
    A compter du numéro 71 Marijac n'est plus aux commandes du journal. Les administrateurs l'ont viré. Le bi-mensuel devient hebdomadaire, le titre se simplifie en PIERROT, et les séries disparaissent.

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