FELIX THE STAR

Félix Le Chat





♫  "Felix the cat
the wonderful wonderful cat
whenever he gets in a fix
he reaches into his bag of trix"  ♬
(quand il se trouve dans le pétrin
il cherche dans son sacs à astuces)

Strips de Otto Messmer, album Vents d'Ouest (1996)

L'histoire est connue, des chats ont précédé Felix lors des débuts en dessin animé de Pat Sullivan et son studio. Tout d'abord dans "The tail of Thomas Kat", un chat animé qui s'essaie au patinage et au ski, incrusté dans un décor réel de montagne, qui remonte à 1917. Puis deux ans plus tard "Feline follies" où Master Tom drague Miss Kitty White. A noter que dans ce cartoon, les personnages s'exprime par le biais de bulles (comme dans d'autres DA muets de cette époque), et déjà ce félin utilise sa queue comme point d'interrogation ou d'exclamation, un élément qui deviendra une particularité de Felix.

Le joli cœur, 1927, par Messmer

Il est pas beau le grox Felix ?
Tom devient Felix (mélange de felicity et feline) dès le troisième court métrage ("The adventures of Felix" 1919). La Paramount va produire 26 cartoons jusqu'en 1921, puis suivront des dizaines d'autres, de différents producteurs, jusqu'en 1936. Ces dessins animés sont suivis sur les écrans de cinéma. Plus tard des séries télé prennent le relais.
Les années 20 font de Felix une véritable star, célèbre partout. Le merchandising bat son plein, et le chat est développé sous toutes les formes, jouets, peluches, jeux, pub, montres, effigies diverses.


Très vite il est décidé d'une version strip, mais la parution débute de manière chaotique. Étrangement c'est le tabloïd britannique  THE DAILY SKETCH qui publie à partir du 1er août 1923 les premières 12 planches réalisées par Otto Messmer, animateur du studio et créateur graphique du chat *. Un différend entre Sullivan et le King Feature Syndicate va retarder la publication aux États Unis de quelques semaines, dans THE BOSTON AMERICAN, puis d'autres journaux suivront. Après ces 12 sunday pages, Messmer poursuit la bande dominicale. Il faut attendre mai 1927 pour voir le strip quotidien débuter, encré par Jack Bogle (animateur maison qui travaillera chez Disney, dessinateur des strips "Ozzy and her gym" et "Barnyard folks"). A partir de 1931 c'est Bill Holman qui assiste Otto Messmer, alors que les planches hebdo, moins appréciées, s’achèvent avec la guerre.

* Pat Sullivan s'est toujours approprié la création de Felix, mais après son décès Otto Messmer revendiquera ses droits sur le personnage.

Dessin Messmer, encrage Jack Bogle, 1931.

C'est la première fois qu'un personnage de cartoon est adapté en BD. Toutefois la création de Felix doit certainement beaucoup à "Krazy kat" du génial Herriman, notamment la version animée qui date de 1916. Sullivan s'est également inspiré de Chaplin, et a donné à son héros des allures de Charlot *. Messmer dira que Felix réalise dans ses cartoons ce que Chaplin ne peut faire dans ses films. C'est un chat noir, mais s'il attire le malheur, il connaît bien des happy ends.
Au début quadrupède, le félin ne tarde à se relever et user de ses mains. Félix est tout en boule, une tête ronde, un corps rond et des pieds ovales. Son museau est blanc orné d'une bille noire, et surmonté de deux gros yeux aux pupilles fendues. Seules ses pointues oreilles apportent des angles aigus. Comme ses débuts au cinéma sont muets, Felix se sert de sa queue pour ponctuer ses exclamations. Des nœuds, des chiffres, des signes divers. Les dents que l'on perçoit au début disparaissent par la suite

* on donne aussi en référence la nouvelle de Rudyard Kipling "The cat that walked by himself" (1902).
Bande de Messmer datée de 1933, parue dans 'Popular Comics' en 1944
Parallèlement au strip quotidien, une version comic book est lancée dans les années 1930. La bande paraît d'abord adaptée et retouchée dans les 'Popular Comics' ainsi que dans les fameux 'Four Color' de Dell Publishing. Puis l'éditeur lance la série 'Felix the cat' avec des créations de Messmer, de 1948 à 1951. Tobey Press poursuit la parution jusqu'en 1955 puis Harvey pour 57 n° jusqu'en 1961. Même si le maître Messmer produit en quantité, des récits courts où son imagination entraine Felix dans des situations farfelues, d'autres artistes mettent la main à la pâte. Ainsi Jim Tyer et Joe Oriolo l'assistent et livrent leur propres bandes.

Un des premiers Felix de Jim Tyer, 1946
Tyer est reconnu comme un des grands auteurs de funny animal comics, il dessinera dans les années 50 "Mighty Mouse", "Heckel and Jeckle" et autres pour St. John Publishing. Il sera aussi des 'Felix the cat' 2ème série de Dell en 1963, alors qu'il avait rejoint le studio de Oriolo auparavant.
Ancien des studios Fleisher, et créateur avec Seymour Reit de "Casper the friendly ghost", Joe Oriolo est recruté par Messmer comme assistant pour les comics. Son talent lui vaudra de reprendre le strip quotidien en 1954 qu'il mènera jusqu'en 1969. En bon business man, Oriolo va s'associer en 1958 à William Sullivan, le frère de Pat, pour créer le studio qui va produire des dessins animés de Felix the cat pour la télévision, et redonner une nouvelle célébrité au chat noir. Les jeunes téléspectateurs américains des années 60 lui devront également "The Mighty hercules" et "Johnny Cypher in Dimension Zero". Oriolo va apporter un coup de jeune à Félix, l'ancrer dans la vie moderne, étoffer son entourage. Ainsi apparaissent ses neveux et sa fiancée Kitty, ou encore le professeur, Rockbottom le bouledogue, et le fameux sac à astuces.

Strip de Joe Oriolo de 1964

Félix dans HURRAH ! MAGAZINE en 1959

Félix au travail, Hachette 1934
En France, ce sont les lecteurs de LA PETITE GIRONDE ou de CINÉ-MIRROIR qui ont la primeur de découvrir Félix le chat en 1929. Paul Winkler ayant obtenu auprès du KFS des droits de représentation exclusifs pour la France, il place Félix dans divers journaux, comme L'INTRANSIGEANT, L’HUMANITÉ (où après-guerre, au moment du Plan Marshall, on le juge trop impérialiste US, il sera remplacé par Pif le chien)...
Hachette s'y colle également, en reprenant en albums des vignettes du Felix de Messmer et Holman accompagnées d'un texte en dessous. Une vingtaine de titres paraissent entre 1931 et 1940. Bien sur les périodiques pour enfants s'intéressent au chat. LE PETIT ILLUSTRÉ publie les planches du dimanche (1936-37), on aperçoit Félix dans L'AS, LA SEMAINE DE SUZETTE, et le BRAVO ! belge le publie en première page pendant la guerre.

Le Félix de Léon Mercier, 1956

Dans NOUVEAU TINTIN n°3 (1975)
Mais à la Libération, le succès de Félix connaît un coup de mou (!). On retrouve ses aventures dans HURRAH ! en fin des années 1950, avec des créations de Léon Mercier, en un style plus proche de Arnal que de Messmer. Opera Mundi de Paul Winkler lui a confié la reprise du chat, publiée également dans FRANCE-SOIR, LE MAINE LIBRE et LA RÉPUBLIQUE DU VAR.
Ce même Winkler place quelques gags de Félix dans les touts premiers NOUVEAU TINTIN en 1975, lors de sa reprise de l'hebdomadaire. A citer parus auparavant les six albums de 'Félix le chat et ses neveux' des éditions Azur qui reprend du matériel des studios Oriolo en 1961-62, et le hors-série GIFF-WIFF de la Celeg en 1967, "Félix le chat au pays des hommes" (Messmer). Un autre éditeur Jean Chapelle s'intéresse également au chat noir, mais reprend des bandes réalisées par des italiens.

N° 6 de 1969
Car en effet de l'autre coté des Alpes IL CORRIERE DEI PICCOLI publie depuis 1926 "Mio Mao", traduction des bandes de Messmer et compagnie. L'éditeur Renato Bianconi obtient la licence d'exploiter le personnage, ce qu'il fait avec son équipe, dans  'Gatto Felix' en 1962. La revue comptera presque 300 numéros. Parmi les auteurs, Mario Sbattella, Pier Luigi Sangalli, Alberico Motta, Sandro Dossi ou Umberto Manfrin.
Ils font de Félix un chat anthropomorphe, qui évolue dans un monde d'humains, avec sa fiancée Kitty, ses neveux Inki et Dinki, et son rival Zampanera. Ils sont les seuls non-humains, mis à part quelques personnages dotés d'une truffe. Gatto Felix est un lointain cousin du Felix the cat originel.


Quand Zampanera rencontre Hitler, par U. Manfrin ('Gatto Felix' n°19 de 1976)

Chapelle reprend ces bandes (et quelques américaines au début) dans ses divers titres, comme la collection 'Miaou voilà Félix le chat', ou des récits disséminés dans 'Kiko' ou 'Prosper', de 1964 aux années 1980. Les éditions du Château ou Greantori lui emboiteront le pas avec des reprises de Messmer ou Oriolo.
Mais Chapelle innove avec des créations par le biais de Norbert Fersen, qui réalise des aventures inédites de Félix pour M.C.L., publiées en albums cartonnés en 1971-76.

Edouard François ne mentionna aucune des ces publications lorsqu'il écrit son article sur Félix pour la revue PHÉNIX (n°32, 1973). Il insiste sur le Felix américain, présentant deux époques, la première de Pat Sullivan le créateur (assisté de Messmer), et la seconde qui serait le fait du neveu homonyme Pat Sullivan. De ce dernier je n'ai trouvé aucune trace.
Les reprises les plus fidèles de l'époque Messmer sont dues à Pierre Horay avec les trois recueils de strips datés de 1923 à 1928, sortis en 1979, 1982 et 1983 (réédités en coffret en 2003).




Comme il est dit les chats ont plusieurs vies, Felix n'y échappe pas. Il revient fin 1984 aux cotés d'une autre star dans un strip intitulé "Betty Boop and Felix", réalisé par les quatre fils de Mort Walker. Mais le chat, faire-valoir de la bimbo, est évincé en 1987. Harvey en 1992 réédite brièvement d'anciennes bandes avec la série 'Felix the cat and friends', alors que le fils Oriolo Donald devenu dirigeant de la Felix the cat Inc. produit un long métrage en 1989, une série TV en 1994, et lance un ultime comics "The news adventures of Felix the cat" (1992/97, auteurs non crédités). En France Vents d'Ouest entreprend la réédition de strips de Messmer en 1996, il n'y aura pas de suite.

'Miaou voilà Félix le chat' n°128bis, 1980.
Le Felix des origines, un félin acariâtre, vagabond, dont les seuls buts sont la recherche de nourriture et d'un abri, rejeté et solitaire, un Charlot à quatre pattes, a vécu. Symbole d'une Amérique d'avant 1929, il représentait l'american dream des plus démunis rêvant d'accéder à la middle caste, à l'instar de son créateur l'émigré australien Pat Sullivan. Mais une fois arrivé, notamment sous le crayon d'Oriolo, le personnage perd de sa superbe. Plus nuancé, le voici dans sa maison, conduisant une voiture, allant au restaurant avec Kitty, ou s'agrippant avec Patte Noire. De hobo à bobo, voilà la destinée de Felix the cat, a wonderful cat.


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Un bonus, voici la pub pour Nesquik parue dans NOUVEAU TINTIN n°4 (et dans PIF Spécial Pois Sauteurs - n°345) en octobre 1975. En plus de remettre les bulles dans le bon ordre, sauriez-vous qui a dessiné cette planche ? A vous de jouer !


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