Le petit monde de PITCHI POÏ

Pitchi Poï
par Laurent Cagniat et Claude Guth
Trois tomes de 30 planches, parus chez Delcourt-Jeunesse en 2001, 2003 et 2005.



Les auteurs ont imaginé avec cette petite île un univers complet, pittoresque et virevoltant, où se côtoient de gentils et parfois farfelus habitants, en une ambiance genre le village gaulois. Hommage à l'univers d'Astérix ? On y vit en paix mais la zizanie se propage dès qu'un grain de sable enraille le mécanisme.
Ce grain de sable, c'est un scientifique, le dénommé Désiré Monkangou. Débarqué de son pays lointain, il va révolutionné la place, en transformant le fruit du pompotier, un fruit explosif typique de l'île, en carburant pour les moteurs, qu'il invente en même temps.


Mais ses recherches et sa présence perturbent la tranquillité des habitants, qui veulent le chasser. Il faut dire qu'en plus du barouf que provoquent ses expériences avec les pompets, Désiré est un hippopotame d'Afrique.
En fait, un personnage attise la haine et manipule la population du bourg contre le savant pas de chez eux, Norbert Presskopf, un ambitieux et xénophobe cochon prêt à tout pour réussir. Ça ne vous rappelle pas quelqu'un ?


Heureusement le jeune gardien de phare Spot et le sage Pépé Le Brez interviennent pour calmer le tout.


Vus l'architecture et le costume traditionnel de la bonne Ségolène, ainsi que des patronymes (Le Brez), on pourrait situer Pitchi Poï au large de la Bretagne. Ainsi les pitchipantois sont des animaux représentatifs de la faune locale, chiens, lapins, cochons, moutons, rongeurs, volailles, batraciens... On distingue toutefois un pélican dans le lot, mais on a déjà observé la présence de pelecanus en Bretagne. Le vénérable Pépé Le Brez, le premier habitant de l'île, est un iguane, et le petit mais sensé Spot doit être un blaireau (à ne pas confondre avec Bernard Rhino).


Le second épisode, "La folie pom'pet", nous emmène à Kapulko, le village de Désiré, dans un environnement sahélien. C'est d'ici que provient le pompotier, où Pépé Le Brez alors jeune s'était procuré la graine qu'il sema à Pitchi Poï. Spot ainsi que Pépin, le zinzin du village, accompagnent Désiré de retour au pays. Norbert Presskopf aussi se dirige vers Kapulko, pour s'approprier les pompets et faire fortune avec ce carburant providentiel. Il s'accapare les fruits en jouant sur les croyances des villageois. Ces derniers sont chassés de chez eux, et privés de leur source de nourriture, les pompets. Seulement Angel, un ruffian cousin de Norbert, s'empare du butin en le trahissant. Embrouilles en pagaille !



Il faudra la lucidité de Désiré et la magie de la vieille Kalimba pour que l'histoire se termine bien.




Dans le dernier tome, on a affaire à une star de la jet-set qui envisage de transformer la petite île en un Saint Trop' pour héritiers du CAC 40. L'actrice Baby Belle, une oie cible des cancans, charme le maire, l’excentrique Edmond Poissec, et attise l'intérêt de Presskopf pour atteindre son but. Encore une fois Pépé Le Brez et Spot, avec Ségolène, parviennent à faire déjouer le plan à bétonnage. On est pas loin du Domaine des Dieux...



Pour accentuer la parodie, les auteurs introduisent dans ce troisième tome un représentant de la maréchaussée, le bien nommé Ludovic, un hibou dont les mimiques rappellent furieusement celles de De Funès gendarme de Saint Tropez (Cruchon !).


La série fourmille ainsi de références parodiques et de bons mots, et s'appuie sur des clichés pour faire passer quelques messages. Ainsi le premier album joue sur la tolérance et l'acceptation de l'autre, quand le suivant aborde l'exploitation de ressources d'un pays moins développé par un autre qui se prétend avancé, ou encore en sous-jacence la confrontation entre le modernisme et la tradition. Le 3ème épisode fait référence à l'acharnement des tenants du libéralisme à l'imposer aux autres.


Une BD certes destinée aux plus jeunes, mais les plus grands y trouvent également leur compte.
Wacékoul ! comme dirait Désiré.


En aparté, les auteurs précisent l'origine du mot pitchi poï. En yiddish, cela désigne un coin perdu, un petit village au fin fond de nulle part. Les victimes juives de la Solution Finale nazie reprennent ce terme pour nommer les camps d'exterminations. Le Pitchi Poï de Cagniat et Guth en est totalement éloigné, et fait plutôt référence à l'endroit introuvable. Bien que les attitudes et mentalités de ses habitants se retrouvent, hélas, partout dans le monde.

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